mardi 15 mars 2011

Un jour clair, récit (10)





Après les pâtes fond de paquets, nous nous faisions livrer des sushis, comme ça, pour dernière limite. Tu avais planté ton boulot de barmaid de nuit, et moi je n’écrivais plus, trop occupés à nous explorer que nous étions. Jour, nuit, les heures ne passaient plus. Engorgement sensuel. Folies des roulés-boulés sur le futon souillé. Nous nous aimions.

samedi 12 mars 2011

Un jour clair, récit (9)





“Your place? My place?”
Chez moi donc, où nous avons rejouè la scène primitive... Avec violence et impétuosité. Comme il se doit. Tes mains sèches s’emparaient de mes joues dans un rire bruyant et rauque érotique. Nos bouches gourmandises n’avaient qu’à se servir l’une chez l’autre, délicieuses salives à lècher avec fougue appétit. Et plus si affinités. Affinités donc.
Et comment! Quarante-huit heures sans sortir, d’ailleurs il pleuvait toujours, à finir les vieux paquets de pâtes.

samedi 5 mars 2011

Un jour clair, récit (8)


Depuis que tu es partie, me laissant esseulé, je ne vais plus chez Jojo pour m’envoyer un kir à huit heures du matin - d’ailleurs je ne bois plus et je compte les jours.
Ma vie est différente désormais, la sobriété a de bons côtés. Sauf que je n’arrive plus à écrire comme avant. Les jours clairs le sont trop et les arbres beaucoup moins déchirants, des ombres filantes dans une embrasure de bus. Courants d’air évanescents.

samedi 26 février 2011

Un jour clair, récit (7)





A vingt heures j’étais fin cuit. Notre premier rendez-vous? Sous la pluie qui nous giclait aux visages, toi ton rimel, moi mes cigarettes impossibles. Quelle idée, cette possibilité en novembre. C’est du tout moi, et toi, ton sourire d’ange. Tu riais comme une évidence, et moi j’avais sauvé mon avance au Blanc. C’était la beauté ce noir qui coulait le long de ta joue. Comme une envie de t’aimer, là, maintenant. Mais nous ne nous connaissions pas, quoique sans un mot c’était lumineux, ces deux sourires. En fait nous avions tous les deux oublié le fameux sésame pour cette fête hip-hop où nous étions conviés. Mais nous avions le ventre vide et le gosier sec. Et, bien décidés à ne pas nous quitter, nous allions flirter avec les canapés, après avoir suivi un quidam-bobo-pique-assiette pour une filature sauvage vers le bar.
Tu me suivais, ou je te suivais? Toujours est-il que nous ne nous quittions plus.
J’aimais tes mains quand elles ne lâchaient plus les petits fours; et ta bouche qui, dans le même élan les engloutissait sans ménagement. Ni sel.
Je me souviens très bien du moment où, repus de ces amuse-gueules, qui, il faut bien le dire, étaients assez dégueulasses, tu m’as attiré derrière le rideau de velours souris, pour me rouler une pelle, des plus mémorables qu’il m’ait été donné de recevoir une soirée de merde. Autant te dire que je marchais à fond dans ta combine... Et que ta langue experte au goût de champagne me faisait roucouler. Et bander.

lundi 21 février 2011

Un jour clair, récit (6)





A force de venir prendre mon kir à neuf heures, j’ai fini par croiser ses yeux noisette et , au sommet de mon audace, de lui offir une coupe. Elle se mit à rire et s’est moquée de moi, du genre: t’en as mis du temps! J’ai forcé le trait, je l’ai soudoyée: un autre?, en me marrant comme une barrique et, profitant de son rire rauque, l’invîtant à une soirée hip-hop chez de parfaits inconnus bourrés de thunes. A ma grande surprise, elle accepta. Même sous la pluie, ajouta-t-elle. Car il pleuvait, en effet.
Et il plut toute la journée, moi comme un lion en cage, même les crocs émoussés, je n’en pouvais plus d’attendre le soir. Vers dix-huit heures, j’attaquais au Sauvignon chez Fanfan, me demandant si Marie allait venir rire avec moi...

samedi 19 février 2011

Un jour clair, récit (5)





Marie, je l’ai trouvée dans un bistrot du XVème devant une coupe. Elle riait comme personne, vraiment comme personne. Il était neuf heures du matin et elle finissait sa nuit. Marie travaille dans un bar et s’achève en pleine forme à deux heures du matin, fin prète pour remettre ça - alors elle s’en envoie deux ou trois pour attendre que Jojo ouvre Les Sports à six heures.
Marie est faîte d’une beauté sauvage. Si elle dansait, je dirais qu’elle réincarne Isadora Duncan, et si elle écrivait, Simone de Beauvoir. Marie est unique, impossible, riante sans arrèt, toujours une vanne au coin des lèvres. Bref, je suis instantanement tombé amoureux de son blouson élimé de cuir noir, de ses cheveux en bataille et de ses yeux pétillants.
Mais pas elle. Elle m’a souri une fois, puis ignoré.
Ainsi alla ma vie, au début.




vendredi 18 février 2011

Un jour clair, récit (4)





Tu me manques!
Un petit gamin frappé d’un éclair de joie folle fait jaillir des éclaboussures de pigeons à Saint Sulpice, à toi mon amour! Je crie, je pleure, tu me manques, sept semaines, sept roses blanches, envoyées à cette seule adresse laissée sur ton premier texto. Je t’aime , qu’y puis-je, je t’emmène au pays des fleurs, en espérant. Il est tôt sur cette place du Vème, nous y venions poser des cierges que tu allumais avec ta cigarette, mécréante! Ma mécréante bien aimée!
Ensuite un thé au bistrot du coin, deux croissants, pas un mot, des sourires, l’amour fou. De quoi se renverser les cœurs transis de cet hiver au jour clair.
Je pleure de toi, larmes lentes mais abondantes. A toi mon amour! A ta santé, à ta jeunesse en devenir, à nos ruts endiablés dans des hotels de Belgique! Improbables hotels d’Anvers, d’Oostende, où nous attendaient les flots givrés, les vagues arrêtées, j’exagère à peine! C’est ainsi que vont les jours clairs. De surprise en baraques à frites au vinaigre. Les pistolets aux goûts variés, les bières et les dames blanches. Les longues ballades sur le sable froid vers les étendues sans fin. L’horizon blanc, mer et ciel dans le blanc mêlés, ventrus.