jeudi 4 mars 2010

Work In Progress (43)


La terrasse aux bambous, journal

Son long texto me réchauffa le cœur. Il pleuvait sur la Ville, derrière les barreaux en fer. Oui, elle acceptait mon amitié, même si jamais plus je ne la reverrai.
Je lui avais signalé ma nouvelle résidence, sans l’accabler de responsabilités... J’étais dans cet hopital pour une désintoxication, un sevrage alcoolique et rien d’autre. Elle compatissait, me soutenait, m’envoyait des baisers. J’appréciais sa compassion comme un gosse qui se jette sur une dizaine de crèpes.
Tout cela m’encourageait et accéléra mon chemin vers la rédemption, vers les éclats de lumière qui, peu à peu, s’assemblaient pour reconstituer le soleil qui manquait à mon âme.
Je me familiarisais au pavillon J, les infirmières dévouées malgré leurs horaires impossibles, les trois ou quatre patients avec qui je sympathisais, les jours passaient malgré tout, jusqu’à cette heure d’avril au matin où mon médecin me convoqua dans son bureau, vous pouvez sortir quand vous voulez s’exclama-t-il avec un sourire en coin: j’ai besoin de lits!
Je franchis la grosse porte en bois, souple comme un chat, le cœur léger.

Je décidais même, avant de retrouver la terrasse aux bambous, de faire un tour dans Paris, en taxi. La lumière du matin était d’un gris lumineux et plombé. Je ne savais pas encore si j’avais gagné une manche contre l’alcool et perdu une autre manche avec S. Mais je me sentais libre, ou, pour le moins, en route vers la liberté. Néanmoins, je trouvai le taxi hors de prix.

lundi 1 mars 2010

Work In Progress (42)


La terrasse aux bambous, journal


Je me souviendrai toujours de cette espèce de doigt tordu, le mien, qui appuya sur la sonnette du Pavillon J. De cette longue minute élastique et à vau-l’eau qui était en train de devenir moins que mon lien avec le dehors. J’allais entrer chez les écloppés de la vie, les toxicos, les bruts de décofrages, les abîmés, tous ceux qui traînent sur les bas-côtés. La lourde porte en bois se referma dans mon dos, mon lien avec le dehors désormais coupé. Ce fut comme un soulagement, à vrai dire, une route à suivre vers le salut. J’avais confiance.

Comme je venais de mon plein gré, on me laissa mes affaires, sauf le razoir pour que je ne me tranche pas la gorge - et j’évitais aussi le pyjama bleu réservé aux cas graves pour qu’ils ne s’évadent pas. On me conduisit à ma chambre; j’y retrouvai François B., alcoolique comme moi, devenu mon ami depuis.
La première journée passa vite, installation, sieste, pétards. De quoi réjouir un forcené de l’enfermement. Ou un de ces voleurs et tapeurs de clopes qui vivent ici à plein temps, histoire d’éviter la rue - et ils sont nombreux, très nombreux...
Au Pavillon J, on ne sait rien faire d’autre que fumer... Alors je fumais copieusement plusieurs paquets par jour, à en être malade. Nous expédiions les déjeuners et les diners en moins de dix minutes, pour aller s’en griller une, histoire de ne pas perdre le rythme.
Les jours passant, mon état s’améliorait. J’eus la visite de mes parents. Maman tordue avait déjà sa canne, et elle me trouva courageux de faire cette cure; mais avais-je une autre solution pour tout simplement continuer à vivre?
J’avais oublié mon transistor mais pas mon mobile. Hélas mes amis ne me firent pas signe. Sauf Sylvie S., ma sœur virtuelle, Sister In Web. Et puis, comme je tardais à m’y attendre, L. m’envoya un SMS.