jeudi 24 décembre 2009

Work In Progress (30)



La terrasse aux bambous, journal


L’idée de ne plus voir, ni entendre L pendant trois mois me révulsait. Comment allai-je tenir? J’étais si amoureux! Amoureux comme jamais auparavant, et jamais depuis. Je tournais en rond, de la terrasse au salon et aller retour - en cage. Je fumais beaucoup et buvais encore plus. J’écrivais des mails dans le vide, sans grand’chose à dire, j’y joignais toutes sortes de photos. Trois mois, je souffrais. Et elle? Comment entreprenait-elle ce temps, cette distance? Je me posais moult questions. Je n’envisageais pas les réponses; elle devait être très occupée - elle réussissait parfois à m’envoyer un mail, quand il y avait de l’électricité! Elle se voulait rassurante, elle m’épargnait ses conditions de vie qui auraient pu m’inquièter. Mais je lisais entre les lignes, et rien n’était ni facile ni simple. Pourtant, je la sentais s’éloigner. Nous avions dix neuf ans d’écart et elle vivait à fond! Son caractère de Bretonne la poussait à prendre des risques. J’étais inquiet, pour elle, pour nous. Et je ne saurais pas dire comment ces intuitions me vinrent à l’esprit, mais elles étaient justes.

dimanche 20 décembre 2009

Work In Progress (29)


La terrasse aux bambous, journal


Un jour, à marquer d’une pierre blanche, je reçus un mail: Mon amour, je quitte la Suisse pour le Kosovo avec la Croix rouge (L était infirmière), je pars pour trois mois, tu vas me manquer. Je restais stupéfait. Je lisais et relisais ces quelques lignes, complètement désenchanté. Je décrochais le telephone, répondeur. J’attendrai ce soir pour appeller à nouveau. Le soir venu, elle me confirma son projet d’aide humanitaire dans un pays en guerre et privé d’électricité. De mon côté, j’étais si amoureux que je l’encourageai à partir, ce genre d’opportunité ne se présente pas deux fois et elle semblait emballée par cette aventure. Nous ne passâmes pas la nuit au téléphone comme à l’accoutumée. Je ne le savais pas, mais je venais d’entendre sa voix pour la dernière fois.
Quelques jours plus tard, elle m’envoya par la Poste le roman de Marc Levy: “Où es-tu?” - son dernier geste amoureux. Je dévorais le livre dans la nuit, et une étrange sensation m’envahit aux premières lueurs de l’aube, un mélange de désarroi et de mauvaise prémonition...
Elle ne partait que pour trois mois essayai-je de me consoler. Mais dans une contrée sans mails et sans téléphone... J’étais irrité, consterné, nerveux. Je ne savais que faire, que penser. J’avais surtout peur pour sa sécurité. Trois mois sans elle... Mon sang bouillonnait, faisait battre mes veines. Je décidais de boire, welcome to Hell.

Work In Progress (28)


La terrasse aux bambous, journal

Le soir venu, ma Voyageuse devait retourner vers ses terres. Combien de regrets à ces instants de départ. L s’était reposée, et je l’accompagnai à sa voiture pour un long, très long, au-revoir. Impossible de décoller nos lèvres les unes des autres. Quand enfin elle démarra, je la suivis du regard s’éloigner vers le périphérique. Dix minutes plus tard, j’avais acheté un flash de Campbell. L’envie d’écrire me reprenait, j’étais heureux. Vite, un texto: Prend soin de toi, de nous, ne roule pas trop vite. Puis je m’abreuvais.
Les weekends se succèdaient, toujours impromptus, et de découvertes en préemptions incroyables, nous nous devinions sans aucune retenue. Quand L venait me voir, parfumée et si douce, je ne buvais pas. Je me souviens, après sa douche, avoir posé ma main sur son genou, nous étions tous deux assis sur le canapé, et j’avais trouvé sa peau si voluptueuse que ma peau brûle encore de cette caresse. Je la laissais toujours repartir le cœur serré, mais prèt à lever le coude juste après. J’étais incorrigible. Et j’allais le payer cher. Très cher.

dimanche 13 décembre 2009

Work In Progress (27)


La terrasse aux bambous, journal



Nous primes le temps de nous regarder, de nous aimer, du bout des yeux, félins étions-nous si inconnus et si proches, amoureux. Evidents à cet instant où L, sortie de la douche, me rejoignit sur la terrasse pour une cigarette, la première partagée. Et de nous dire ces quelques mots et ces longs silences, l’air n’avait jamais été aussi doux à Paris. Je la voyais enfin, dans mon peignoir blanc, si belle, si vraie. Elle aussi me voyait, tous nos regards confondus qui fusionnaient à l’envie. Nous attendions la fin de la cigarette pour une invîtation à la chambre.
Ça sentait le frais, la fenêtre était ouverte, nous nous jettâmes sur le lit pour nous explorer, nous découvrir, nous aimer. Nos corps enfin réunis dans des élans de fougue et d’autres plus tendres. L’amour a des secrets à jamais recommencés et de découvertes en explorations, viennent les plaisirs et les contemplations. Nous nous ouvrions l’un à l’autre, mais à chaque fois réunis dans nos plaisirs.
Vers seize heures, je préparais les jus d’oranges et les œufs au bacon, non sans en avoir grillé une au passage... Et bien vite ce premier brunch fut l’un des plus mémorables de nos repas amoureux. Décidémment, amants nous étions, à l’envers vers l’abandon des conventions allions-nous.

Work In Progress (26)


La terrasse aux bambous, journal


Vers six heures du matin, j’avais vidé et jetté la bouteille de Talisker. Le disque était fini. Je rentrai reprendre ma lecture, lorsque le téléphone vibra: J’arrive à Paris. Sa voix était fatiguée mais elle chantait déjà. A cette époque on avait encore le droit de téléphoner en conduisant...
Je la guidais vers le périphérique. La porte de la Plaine. Vers la terrasse et le lit. J’étais au comble de l’excitation et, paradoxalement, léger et reposé. Vole, mon amour. Je pensais à L, qui se rapprochait à chaque minute, comme une délivrance après toutes nos nuits virtuelles. Nous allions enfin nous découvrir, nous aimer en vrai. Je ne doutais pas un seul instant de mon amour dévorant pour elle, j’avais l’impression de la connaître du bout des doigts.
Elle trouva bien vite une place pour garer sa Panda. Et s’engagea dans ma rue. Je descendis quatre à quatre les cinq étages, le portable à l’oreille. Nous y sommes presque lui dis-je. Je remontais la rue, lorsque je l’aperçus, elle aussi avec son mobile, et un énorme sac de cuir. Je me disais en mon for intérieur que je n’avais jamais aimé comme ça, à ce point, de non-retour saurai-je plus tard. J’étais le fou d’L. Elle eut cette phrase au téléphone: Ne t’attends pas à une bombe atomique! Puis je raccrochai et courus vers elle dans cette belle nuit d’été parisienne.
Nous n’attendîmes pas une seconde pour nous embrasser sauvagement. Tu dois être crevée? A ton avis?? elle riait. Je n’étais pas déçu, bien au contraire! J’étais encore plus fou d’elle. Une passion dévorante. Je pris son sac et elle ma main, elle embrassa ma paume dans un instant d’une immense tendresse. J’en avais les larmes aux yeux.
Une bonne douche?, lui proposai-je dans l’ascenseur entre deux baisers gourmands. Oh que oui! répondit-elle, sans pouvoir reprendre son souffle.





jeudi 10 décembre 2009

Work In Progress (25)


La terrasse aux bambous, journal


Le Journal d’Aran, de Nicolas Bouvier, me tombait des mains, et pourtant c’est mon écrivain-voyageur préféré. Mais je devais me faire une raison, mon excitation à l’idée de voir L était au comble de la démesure. Je me souvenais de tout, nos nuits téléphoniques et amoureuses, à parler, parler, et parler encore; tout en L me faisait chavirer, et là, dans quelques heures, j’allais m’échouer, rayonnant de bonheur, sur la plage du réel. L et moi étions résolument modernes.

Ce qui est bien quand on regarde la télé à quatre heures du matin, c’est qu’on s’endort. J’éteignis donc le meuble couleur, mis un disque de US3 et sortis sur la terrasse avec des cloppes et mon mobile. Je lui envoyai un texto qui me suffoqua d’originalité: Où es-tu? (Phrase qui, un an plus tard, allait résonner beaucoup moins claire que dans le roman de Marc Levy). Je t’aime, eus-je comme réponse, je file, je vole, vers toi mon amour. Je t’attends comme un loup, plus souple qu’un berger, oh ma corbeille blonde. Pourquoi Jean Genet à ce moment-là? Je l’ignore, un coup de frime ou une incroyable prémonition? Sur mon cou...
J’allumais ma énième Dunhill sur la terrasse aux bambous, un verre de Talisker posé sur la table, mon amour, Love Of My Life, en route vers mes bras et ma bouche, je respirais à fond, j’étais bien, le temps suspendu ne s’était aperçu de rien, mais j’avais arrèté toutes les horloges. J’étais en vie. Je t’attend mon amour.


Work In Progress (24)


La terrasse aux bambous, journal


Une semaine passa, sans le moindre coup de fil. Nous étions en août et ruinés. L’air était doux, vaporeux et lent. L’idéal pour fumer sur la terrasse. L me manquait. Mais elle était en famille en Bretagne, restaient les SMS amoureux et enflammés.
Et les mails, les photos. Nos habitudes. Mais nos habitudes, nous devions les faire s’écrouler. Les réduire en cendres, nous avions fait le tour de la question. Elle et moi étions exigeants. L, plus que moi d’ailleurs.
Vint cette fameuse nuit de son retour en Suisse, dans sa petite Panda noire. Elle m’envoya un texto pour m’avertir qu’elle m’appellerait en arrivant. J’étais ivre, je ne reçu jamais le SMS. Je dormais, télé allumée sur un concert de Fauré.
Le téléphonne crissa comme une paire de pneus en travers de mon cerveau abruti. C’était ma Voyageuse amoureuse qui venait de rentrer. Je balbutiai quelques mots d’amour avant de me ressaisir et de lui jetter à l’oreille: je veux te voir! Quoi? Maintenant? répliqua-t-elle. Oui, murmurai-je, cette fois tout-à-fait libéré de mes brumes nocturnes. Cap ou pas cap? l’interrogeais-je, totalement inconscient de ce que je lui demandais, mais si amoureux que je ne me rendais pas compte de l’énormité de ma question. Je viens de faire plus de mille bornes, soupira-t-elle. Mais je t’aime cria-t-elle dans la foulée. J’arrive.
Maintenant? Maintenant.
Je regardais l’heure: deux heures trente du matin. Mon sang bouillonnait, j’étais aux anges. Je filais fumer sur la terrasse, il faisait chaud. C’était l’été et ma vie basculait vers l’autre monde, celui de l’amour fou. Je ne savais pas comment occuper mon temps en l’attendant. Je mis le portable à recharger. Je changeai les draps. Je buvais quelques lampées de Scotch. Je me lavais les dents, puis finalement pris une douche. J’étais comme un chien fou. Tiger On Vaseline, chantait David Bowie. Je trépignais. J’avais au moins quatre à cinq heures à attendre.

lundi 7 décembre 2009

Work In Progress (23)


La terrasse aux bambous, journal

C’est bouleversant, la légèreté. Le cœur léger comme un oisillon qui crie famine dans son nid. Je me sentais en complaisance. Le sentiment étrange d’avoir passé un cap. Une limite avait été franchie, et j’étais le plus aimé et heureux des hommes. N’est-ce pas ce qu’on se dit? J’étais en amour avec L, et elle avec moi. J’étais transfiguré, lent, sans fil, tout sauf sérieux. Je buvais toujours autant hélas, et je fumais ces maudites blondes.
Même si les notes de téléphones nous avaient quelque peu refroidis, nous continuions à nous aimer au-delà des montagnes. C’était de plus en plus intense, nous nous consumions comme des enfants, à nous casser les voix, nos souffles, nos frissons, nos extases.
Je ne saurais dire pourquoi une femme et un homme qui se complaisent dans l’onanisme, formule exécrable s’il en est, et guident leurs plaisirs par des mots tendres et des soupirs au téléphone, à mon sens, font vraiment l’amour.... A cette époque, j’étais comme un chien fou dans notre complicité, j’osais tout. Du plus sensuel au moins porno, mais, dès lors que nous nous étions dit que nous nous aimions d’un amour absolu, nous passions plus de temps à nous découvrir l’un l’autre, nous nous séduisions au fil de nos nuits suaves et légères. Mais le manque commençait à nous percer corps et âmes, nous commençions à atteindre les limites de nos échanges libertins. Nous devions passer le cap, nous n’en pouvions plus de nous attendre, nous nous aimions d’amour absolu. Nous avions à aller au-delà de tout ça, nous retrouver, nous éprouver, nous aimer enfin, nous rencontrer. Et cela arriva dans des circonstances assez particulières, car tout, dans notre histoire, ne ressemblait à rien d’autre, livrés que nous étions à tous les excès.

vendredi 4 décembre 2009

Work In Progress (22)


La terrasse aux bambous, journal


Puis nos nuits sans sommeil, qui valaient des années de veille, se succédèrent au rythme de nos disponibilités, L travaillant souvent en nocturne.
C’était toujours le même cérémonial, nous nous postions des mails enflammés, accompagnés de photographies de plus en plus érotiques,
la joie de les découvrir était comme un tourbillon d’ivresse, puis, vers minuit, j’allais rejoindre ma chambre, non sans avoir au préalable allumé une bougie parfumée au santal. Et je composais le numéro chéri... Au bout de la ligne, un timide ou fatigué coucou, parfois un enjoué bonsoir m’acceuillait, cela dépendait des nuits, mais bien vite le plaisir de nous entendre prenait le dessus, et nous commençions à nous raconter nos journées. L ne savait pas que je buvais à l’époque. J’étais toujours en pleine forme au creux de la nuit. Ma Voyageuse ne tardait pas à me suivre dans mes divagations sensuelles, et à son tour m’entrainait dans les siennes...
Et puis un soir, après plusieurs heures de somptueuses jouissances, que même mes rêves les plus érotiques ne pourraient reproduire, il me vint soudain, au sommet de l’extase conjuguée à la sienne, un cri qui me remontait du ventre, et je hurlais, dans un souffle plus puissant que les autres et qui me tétanisait un JE T’AIME! impossible à réprimer, qui me souleva, malgré moi et mon serment de ne plus jamais dire ces deux mots, jusqu’à le répéter à l’infini comme un écho, et qui vint mourir dans mon jouir de l’avoir enfin dit, comme une délivrance. Et au creux de cet écho, à l'autre bout de la ligne, un je t'aime retentit, accompagné de pleurs de joie.

lundi 30 novembre 2009

Work In Progress (21)


La terrasse aux bambous, journal



A ce stade du récit, je me heurte à un mur. Celui de ces dix années perdues dans l’alcool. C’est soudain douloureux d’écrire. D’écrire que j’entrai, cette nuit là, dans la plus délicieuse de mes nuits d’éthers. Et que le souvenir est encore vivace et fort, j’aurais besoin d’une piqure de rappel nommée Talisker. Mais je ne céderai pas.
L., ma belle Voyageuse est vraiment la force et la beauté réunies. Ce soir de juillet, j’émergeai de mes brumes écossaises vers vingt-trois heures, naïf, joueur et enjoué, prèt à toute aventure, disons en forme en quelque sorte. J’allais prendre une douche.
Le téléphone sonna lorsque je rejoignai la chambre. Je laissai sonner deux fois, puis je décrochai. C’était elle. Je le savais. Où es-tu? me demanda-t-elle. Sur mon lit, répondis-je. Un silence. Une éternité. Un souffle à peine perceptible, là-bas, en Suisse, venait se mourir à Paris. Dans mon oreille, et dans tout mon corps frissonnant. Cette nuit allait semer le trouble entre une femme et un homme, séparés par des centaines de kilomètres et reliés par une ligne téléphonique incertaine. Je laissais L. aux commandes de la conversation. Va à ton ordi, je te présente quelqu’un! Je jettai un coup d’œil aux mails, et il y avait une photo de son chaton: Islapet. J’étais ravi. Nous parlâmes beaucoup du chat, histoire de détendre l’atmosphère, mais les longs silences revinrent bien vite, nous laissant livrés à nos pulsions sensuelles, car l’instant magique de notre union allait arriver.
Nous nous parlions à voix basse, à travers les souffles et les soupirs, désarmant de Love Supreme. Elle chuchotait, je guidais ses gestes, elle m’écoutait et guidait les miens. Nous nous unissions, dans la nuit chaude, jusqu’à l’exhaltation, la jouissance, nos cris, nos souffles, nos respirations lourdes et libérées. Nous venions de faire l’amour, et bien plus que cela, de nous aimer, tout simplement.
La suite de nos nuits sans sommeil allait nous le confirmer, bien au-delà de nos imaginations réunies.

mardi 24 novembre 2009

Work In Progress (20)


La terrasse aux bambous, journal

Dix huit heures. Les pieds nus sur le parquet de chêne, un tour vers la terrasse. Un verre de pur malt à la santé de Kenzo. L’air est chaud, une vraie douceur. Je bois trop, sans arrèt, je le sais, ça me rend nerveux. C’est mon talon d’Achille. La boisson, surtout le whisky, ça m’emporte loin dans la démesure et l’abandon de soi. Après avoir bu, je m’abandonne à n’importe quel prétexte pour continuer à boire. Même écrire. Surtout écrire. Mais je ne regrette pas ces dix années d’alcoolisme, à ma manière, imaginatif bien que solitaire, j’étais heureux. Privé de vie sociale, j’ai fait le tour du lien virtuel. C’était nouveau, passionnant, un vertige de se perdre dans les filets de son propre cerveau démantibulé par d’incroyables découvertes pourvu qu’on ait une imagination roborative.
Mais ce jour d’été-là, dans la douceur de cette soirée-là, j’étais confronté à un dilemme. L. me posait un problème. Je regardais à nouveau les photos de la nuit dernière. Portrait avec chaise, par exemple. J’admirais la prise de vue, l’éloquence du cliché, la suggestion de la pose, tout me plaisait, m’envoutait... à l’excés. Je pris peur, tel le perdant que j’étais devant le sentiment qui commençait à germer en moi.
Je décidais de m’ennivrer en rêvassant. J’avais honte de moi, un vrai vomi de ma personne. Je pleurais dans mon verre. Pour la première fois, malheureux.

lundi 23 novembre 2009

Work In Progress (19)


La terrasse aux bambous, journal


Dormir relevait du défi, malgré la nuit blanche. Je ne ressentais aucune fatigue, même pas les yeux rouges d’un lapin dans les phares. Je fumais encore plus que d’habitude. Avant d’aller au lit pour une ultime tentative de trouver le sommeil, je retournais au Mac, visionner les photos échangées pendant la nuit, en particulier le Flower de Kenzo que L. portait, et rien d’autre m’avouait-elle, pour aller dormir. Le parfum est un trait essentiel de la personnalité, et comme j’ignorais tout de ce Flower, je me précipiterai dans une parfumerie pour le goûter dans la journée.
C’est dire si j’étais sous le charme de ma petite Voyageuse. Et je sentais qu’un air chaud et doux nous enveloppait de ses draps imaginaires, malgré la distance qui nous séparait physiquement.
Le jeu de pistes des photographies échangées n’allait pas tarder à déborder mon imagination, je devais me rendre à l’évidence: L dirigeait les dialogues de nos nuits qui, sous peu, allaient devenir de plus en plus sensuelles. A ma grande surprise, quand je repensais à mes petites fiancées d’un an auparavant, à qui, du bout de la voix, je guidais le plaisir, et elles le mien, je n’imaginais pas reprendre le cours des jeux érotiques et des nuits blanches sulfureuses: je pensais avoir tiré un trait.
Mais Voyageuse, L, allait m’attirer bien plus loin encore: vers des sentiments, failles profondes que que croyais comblées par des éboulis de roches froides, et que je ne voulais surtout pas rouvrir.

dimanche 22 novembre 2009

Work In Progress (18)


La terrasse aux bambous, journal

Brumes de décembre
un vol d'échassiers
se perd

Danièle

samedi 21 novembre 2009

Work In Progress (17)


La terrasse aux bambous, journal


Lorsqu’après maintes délibérations (raccroche en premier, non toi d’abord!), je posais le téléphone brûlant sur le lit, j’étais exactement comme un noyé flottant sous le Pont des Arts, désarticulé tel un pantin.
J’avais du mal à comprendre ce que je venais de vivre. J’étais abasourdi par une voix enjoleuse qui me faisait craquer. J’allais sur la terrasse fumer une blonde. L., décidemment bouleversait ma vie en y entrant par la grande porte.
J’allai m’étendre pour rêvasser. L’envie de boire m’était passée. C’est toujours ça, me dis-je en piètre consolation de mon manque d’L. Car déjà elle me manquait, et la journée promettait d’être longue.

jeudi 19 novembre 2009

Work In Progress (16)


La terrasse aux bambous, journal


Le jour d’été s’était levé sur la terrasse aux bambous. Le soleil découpait les contours de ces vieux immeubles parisiens en briques rouges que l’on trouve aux portes de Paris.
Et j’avais L. au bout du fil, elle riait, fatiguée et joyeuse, finalement aussi impréssionnée que moi. Sa voix me séduisit aussitôt. Sand and glue, comme chantait David Bowie à propos de Bob Dylan. Du sable et de la colle, la sensualité en plus. J’étais sous un charme indicible, à la limite du mutisme, bafouillant quelques banalités avant de reprendre mes esprits, quelque part plongés dans la brume matinale.
Et puis, brusquement, au détour d’un silence de L., de son souffle grave, je me remémorais mes petites amoureuses téléphoniques, et je me suis dit à cet instant: non, pas avec ma Voyageuse. Et pas ce soir là. Nous nous amusions avec nos webcams et d’autres photos, des musiques, que nous nous échangions, autant de pistes pour mieux nous connaître. C’est fou le nombre de points communs que nous nous découvrîmes. Plus le temps passait, plus je lui réclamais des photos, des indices. J’adorais sa voix, son rire, ses cheveux blonds, et je me moquais bien de notre différence d’ages, et elle aussi!Je me sentais partir vers des contrées sentimentales enfouies au plus profond de mon être, comme un serpent à sonnette tapi sous une pierre et qui ne demande qu’à mordre, mais là c’était une morsure des plus délicieuses, qui venait tard me réveiller, mais allait bouleverser nos deux vies dans un éclat d’été.

samedi 14 novembre 2009

Work In Progress (15)


La terrasse aux bambous, journal



J’attendis dix huit heures, affalé sur le futon avec des magazines de déco et une bonne bouteille de Talisker. C’est écossais, et j’aime ça, cette région du Nord, les premiers fjords, le temps glacial et pluvieux, les autres alcools et le thé, la couleur de l’eau noire des ruisseaux, le parfum de tourbe brûlée de ce pur malt. Je me préparais à notre rendez-vous, Voyageuse et moi. Je m’imaginais déjà l’emmenant vers de lointaines contrées, humus, mousses, cigarettes de contrebande, voyageant légers tous les deux, vers de superbes chateaux dans le brouillard.
A l’heure dite, j’allais dévorer un kébab libanais rue de Dantzig. Puis j’achetais deux bouteilles de Volvic et des Dunhills. Je voulais être en pleine forme, récuré, parfumé. Fin prèt.
Vingt heures, l’air chaud, les persiennes tirées et la nuit qui ne devrait plus tarder maintenant. J’allumais les bougies Esteban Teck & Tonka, parfums d’Orient. Et je bus le reste de Talisker en écoutant le Piano Solo de Philip Glass. Ma dernière cigarette fut la bonne, suave et longue en bouche. J’étais dans les brumes de vingt deux heures, ivre et prèt pour l’Invitation.
Je me demandais si L. s’était préparée à ce rendez-vous comme moi.
Je me connectais à notre salon particulier.
Surprise, ma Voyageuse m’attendait. Je sentis une chamade à tous crins et mon cœur s’emballer à la vision du pseudo.... Allais-je retrouver mon calme? “Bonsoir Watzup”, je faillis tréssaillir! Elle bredouilla une excuse à deux balles pour son absence d’hier, et moi je lui racontai ma virée nautique dans la piscine bleue. Dépité mais qu’importe, nous étions là, ensemble, à nous abandonner à la chaleur de la nuit d’ocre. Et à tous les pluriels que l’on se partage à deux le soir venu.
Et nous parlions, nous convoquions les silences, nous nous adressions des photos, le jeu de piste continuait, de plus en plus obscur, j’adorais ça, j’étais comme un gosse dans une chocolaterie: tout me plaisait chez cette Voyageuse. Elle m’envoya une carte d’un canton suisse pour obscurcir le mystère, mais je devinais bien vite qu’elle était assez loin. La Suisse, Jean-luc Godard, et nous voilà embarqués dans des souvenirs de cinémathèque et de révolution chinoise. Ce qui me plaisait le plus, c’était son caractère bien trempé, déterminé et fonceur - elle m’avoua, après un long silence, comme une libération, être bretonne. J’aimais ses réparties singlantes et j’essayai d’être à la hauteur, décidémment, pensais-je, cette femme me dépasse d’une tête, mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Je riais, et elle aussi! Il était cinq heures du matin, et nous avions passé la nuit en futilités, jeux de pistes et autres déconnades... Je me hasardais soudain à lui proposer mon numero de portable... Elle me répondit que non le fixe c’est mieux, j’attends ça depuis deux heures, s’exclaffa-t-elle, heureuse de son coup monté! Moi aussi, j’attendais ce moment-là: mon téléphone qui sonne dans le petit matin d’été, après une nuit blanche avec une (presque) inconnue. J’abandonnais le tchat. Les bougies étaient éteintes et le salon sentait la cire fumante et le tabac blond. J’étais impatient mais comme un gosse qui va quitter sa mère pour sa maîtresse. De longues, très longues minutes passèrent. Va-t-elle oser? Elle hésite? Ce n’est pas dans son caractère... Une voix, et le jour qui se lève sur la terrasse aux bambous. Toujours rien. Je retournais au tchat: elle n’était plus là. Soudain, mon petit monde de la nuit, les bougies, piano solo en boucle, les photos, les pistes, nos rires, nos silences, nos excès, nos complicités, tout commençait à s’écrouler peu à peu.
Je rejoignai le futon, le téléphone à portée de main. Je ne comprenais plus ce qu’avait été cette nuit d’ivresse et de non-dits complices, les plus beaux. Et brusquement, la sonnerie retentit! Le souffle court, je décrochais. J’avais L. au bout du fil, là-bas, quelque part en Suisse, et je lui dis, pour la deuxième fois de la soirée, le cœur aussi serré qu’une noix: “Bonsoir”. Elle riait déjà de mon timbre d’ado transi.

Work In Progress (14)


La terrasse aux bambous, journal

Nappes rouge et blanc -
deux tables de restaurant
prennent le soleil


Amel Hamdi Smaoui

jeudi 12 novembre 2009

Work In Progress (13)


La terrasse aux bambous, journal


Comme je n’avais pas dormi de la nuit, la nage bleutée me fit le plus grand bien. J’avalais quelques kirs à l’Hirondelle, le bistrot du coin, puis je rentrai me coucher. Cette rencontre avec mon futon fut des plus bénéfiques, je me réveillai pour l’apéro chez Fanfan.
Zaza Ritz, ma pote de bistrot était là aussi, elle avait attaqué les demis à huit heures chez Jojo, il était midi. Zaza est la Star du Village. Le Village va d’un tabac à un autre, de chez Patrick jusqu’au Marigny où on ne va jamais, c’est-à-dire qu’il s’étend sur moins de 300 mètres et sept rades. Zaza touche le RMI et se raze comme un homme car elle préfère les femmes. Alors elle pique, mais je la respecte trop pour le lui faire remarquer. Zaza pleure parfois quand elle a trop bu, et elle soutient le PSG. Elle ne marche jamais sur les trottoirs, de peur de ramasser un pot de fleurs sur la tronche - elle trottine donc au milieu de la rue en sifflotant. Zaza Ritz a un cœur d’or, elle me demande souvent, la gorge serrée, des nouvelles de petite maman tordue. Cela me touche à chaque fois.
Nous avons donc pris l’apéro ensemble, un peu trop chargé la barque, mais enfin, Zaza et moi, quand on boit, on boit.
Je retournai vers le futon sans manger. J’étais un cas grave.

Histoire d'une passion


Un blog de photographies de Patrick Swirc à découvrir ici.


Il est photographe et la femme qu'il aime vient de s'en aller. Elle est écrivain et les portraits qu'on connaît d'elle, ce sont ceux de Patrick Swirc, plusieurs photos où se devine le sentiment amoureux, la fascination pour un visage aux yeux de louve. Le pire je crois, c'est qu'elle écrit des romans d'amour, qu'elle y parle souvent de désir et de sexe, avec des phrases qui donnent envie. Le pire c'est qu'un photographe peut prendre les mots de l'amoureuse comme une épreuve impossible, une espèce de torture dont il secrète lui-même peu à peu le poison en images. Alors, dans la douleur d'une solitude forcée, en somnambule il écrira à celle qui est partie. Quelques phrases à peine jour après jour, et chaque jour une autre photographie. Pendant presque deux mois, pour raconter la vie sans elle. De la photogaphie amoureuse, comme un langage dont on s'empare pour affronter l'absence, et parler envers et contre tous à celle qui est partie. L'ensemble de ce journal photographique avait été montré aux Rencontres d'Arles en 2008, une projection d'images avec la voix de Patrick Swirc. C'est un travail qu'on n'oublie pas.








lundi 9 novembre 2009

Work In Progress (12)


La terrasse aux bambous, journal


Le lendemain, je restais clean. Trop impatient de retrouver ma Voyageuse. Pas une goutte d’alcool, ou presque. Des cigarettes, du café. J’attendais devant mon écran. J’attendais comme une apparition, papillon pris dans l'abat-jour. J’ai attendu toute la nuit. Jusqu’à l’aube. Mais ma Voyageuse, L., n’a pas pointé le clic de son pseudo. Je décidais de ne pas dormir et d’aller à 7 heures à la piscine. J’étais incroyablement déçu, beuglant contre ces fichus ordinateurs qui n’arrivent pas à se connecter au réseau! Je ne pouvais pas imaginer une autre explication: j’avais été touché au cœur.

dimanche 8 novembre 2009

Work In Progress (11)


La terrasse aux bambous, journal


C’est arrivé par une nuit d’été, chaude et parfumée de romarin, la fenêtre sur la terrasse aux bambous était ouverte, je me levais de mes brûmes éthyliques, l’impression étrange d’émerger d’un rêve emprunt(é) de légèreté et autres circonvulations cérébrales.
Voici déjà trois mois que j’ai cessé mes aventures virtuelles, je craignais trop d’être déçu par la réalité: j’étais cruel. On devient piètre et cruel quand on boit trop. Mais, en même temps, les choses avaient été claires dès le début, pas de rencontres, que des voix et des silences nocturnes jusqu’à l’aube. C’était grisant, jouissif, puis j’ai abandonné.
Cette nuit-là, ou du moins ce qu’il en restait, j’eus la curiosité de me connecter à nouveau, coup de poker, pour voir.
Las, j’allumais une cigarette, je fumais à l’époque, beaucoup trop. Je ne trouvais personne de mes connaissances sur le tchat, ce qui me remplit de joie, une fois de plus, j’étais cruel et hypocrite. Rien d'un enfant cette fois-ci. Sur le moment, soulagé. Mais libre désormais.
Et, en vérité, je me sentais seul, interné dans ma solitude chimique et alcoolisée, à la recherche d’une bonne partie de rigolade et rien d’autre. A ces heures tardives les internautes branchés font l’amour avec des mots écrits sans trop d’imagination, et il faut l’avouer, je revendique un certain talent dans cet exercice si particulier. Frimeur invétéré.
Après avoir lancé quelques bouteilles et autres bonsoir sans succés, je me mis à penser à mon futon qui me tendait les bras... Mais soudain, un message en retour, un aussi timide bonsoir que les miens vint me secouer de cette tièdasse torpeur qui faisait s'écrouler mon salon. Je mis un certain temps à répondre; rien de tel que la précipitation pour tout gâcher dans cette conjecture si hasardeuse...
Il faisait doux, c’était l’été, et ma petite “Voyageuse” frappait à ma porte... Je ne savais pas encore que cela allait devenir ma plus belle histoire d’amour de toute ma vie. Je répondis qu’elle devait vivre dans une maison avec du parquet qui grince et des fauteuils avec des housses blanches... Elle me répondit: comment as-tu deviné? Je ne sus que répondre. Alors nous avons parlé de traces de pieds mouillés sur le parquet, des taches qui ne sèchent pas vite, de ces fameux fauteuils.... Ma Voyageuse voulu m’envoyer une photo, et un jeu de piste commença. Ce fut d’abord une photo de son pied mouillé sur le parquet, je répondis par un cliché de mon tatouage droit... Et ainsi de suite, photos, musiques, échanges de dossiers, cela nous a conduit jusqu’au lever du soleil... J’étais aux anges, cette complicité si rapide, douce, intense, allait bouleverser ma vie. De plus cette Voyageuse en était vraiment une, avec appètit de vivre, d’aimer, et de partir. Loin.
Nous sous sommes mutuellement donné rendez-vous pour le lendemain. Un lendemain plein de promesses...

Work In Progress (10)


La terrasse aux bambous, journal

Le vent se lève
notre silence pesant
sa rumeur, la mer


Amel Hamdi Smaoui

vendredi 30 octobre 2009

Work In Progress (9)



La terrasse aux bambous, journal


Petite maman tordue a terriblement maigri depuis qu’elle habite dans sa nouvelle maison médicalisée, elle pèse quarante sept kilos et demi. Cinq ans qu’elle attend, assise dans son fauteuil avec sangles trois fois trop grand pour elle, près de la fenêtre, en écoutant RTL. Ce n’est pas elle qui a choisi cette station, c’est Dad. Alors elle “entend”, à regret, les Grosses Têtes. Mais pas souvent. Ni le foot le soir. Récemment, j’ai branché le poste sur France Inter, mais j’ignore si cela lui convient mieux... Elle se perd et se retrouve dans sa vie d'hôtesse de l'air, je l'ai filmée pour conserver ses souvenirs merveilleux de voyages et de rencontres, de sa petite voix fragile, elle me raconte. Saïgon, New York, Dakar... Elle a une mémoire extraordinaire!

Petite maman tordue a quatre vingt trois ans cette année. Elle continue à se faire faire sa couleur noir corbeau, ce qui lui va très bien. Et puis elle se maquille pour passer à table avec les autres résidants. Petite maman tordue n’arrive plus à manger seule, on doit l’aider.

Petite maman tordue a la maladie de Parkinson, elle ne marche presque plus. Parfois elle tombe, comme un bébé-moineau de son nid. Alors il faut l’attacher... Ou la mettre au petit salon, dans son fauteuil roulant, où hurle une télé congestionnée par TF1. Et elle reste là, à attendre, encore attendre, qu’on la ramène à sa chambre. Mais elle ne se plaint pas, ou très peu, de sa voix à-peine audible, dans un souffle, elle pousse un “c’est dur ici” d’outre-tombe, puis elle sourit faiblement malgré sa dentition en souffrance. Elle mange peu à cause de cela, ces dents qui lui manquent. Mais bientôt, elle aura un dentier tout neuf, et, j’en suis sûr, son sourire redeviendra éclatant.

Car petite maman tordue a toujours été gaie, elle chantait en faisant la cuisine quand j’étais gosse, elle chantait en Breton même. Et je raffolais de ses patates sautées, ainsi que toute la famille, et dont le secret s’en ira avec elle. Mais elle ne peut pas mourir, moi vivant. Elle est solide, très solide et j'aime quand elle me sourit - alors je prends ses mains dans les miennes pour les embrasser.


Work In Progress (8)


La terrasse aux bambous, journal


Partent le matin
rentrent le soir les oiseaux
comme nos enfants jadis

Amel Hamdi Smaoui

jeudi 29 octobre 2009

Work In Progress (0)


La terrasse aux bambous, prologue


Je m'invente des océans de tendresse. Parfois j'en ai peur. Je voyage immanquablement, à la sortie des villes. Comme Raymond Depardon, mais lui il réussit! J'aime les Leclerc à la longe de nos villages. Les stations services et les Monsieur meubles. Je n'y crois pas, mais je fais semblant! Je pense à des ocres de terre sur mes pieds et cela me manque... Je vais comme je viens, alentour et sans y penser. Il y a des images qui me viennent à chaque arbre sur la nationale. J'aime Zidane, le Pape, et mes congénères. Je suis heureux car aucun d'eux ne me connait... Je suis anonyme, même si je fais des chèques. C'est l'inventaire du cœur, la grande marée qui lave tout. Même le sable est sur mes murs. J'ai jetté mon portable et je me sens mieux. Je n'ai qu'une idée, partir et pourtant là je suis déjà loin. Tout en concentrant mes efforts sur une pensée unique, je ne sens rien de mieux. Je devrais essayer le sirop de gingembre! J'écrase les blondes une à une, mais je suis feignasse. J'attend la pluie comme un enfant aux souliers troués.

mercredi 28 octobre 2009

Work In Progress (7)


La terrasse aux bambous, journal

Memo du portable
un message pour
quand il sera loin

Amel Hamdi Smaoui

Mémo du portable-
un message pour
quand il sera loin


Mémo du portable-
un message pour
quand il sera loin

mardi 27 octobre 2009

Work In Progress (6)


La terrasse aux bambous, journal

Les mois passaient ainsi, de plus en plus longs et froids. J’en vins à me contenter du 89, et ses jolies lycéennes. Puis je décidais d’abandonner les bus, et de me jeter à corps et âme perdus sur les tchats d’Internet. Je dormais, ivresse aidant, jusqu’à minuit, et, à peine éveillé me connectais sur wanadoo. Et je draguais. Pendant des heures, je parlais à des inconnues jusqu’à l’aube.
Souvent cela se terminait au téléphone et nous faisions l’amour avec juste notre voix. En y repensant, j’éprouve une vaine tristesse mais je ne regrette rien. J’étais dans un état second. Je me souviens d’un petit livre dont le titre est “The voice”, et qui parle de ce genre de relations virtuelles, bien qu’il y ait de la chair dans une voix sensuelle, et aussi dans les souffles, les murmures, et les silences. Et pas la moindre mélancolie ne vint jamais caresser ces instants.
Je me sentais bouleversé dans l’incarnation de ces voix de la nuit, une émotion indicible. De plus, j’étais réellement sincère, je me livrais à ces femmes, et je leur donnais du plaisir, une jouissance même, dans des lits, des baignoires, que sais-je, l’imaginaire nous emmenait loin dans des décors improvisés, d’encens et de bougies parfumées.
Cela durait des heures, nous nous ruinions en notes de telephone, mais qu’importe, nous nous apportions du bonheur. Bien réel.
Et, jusqu’à mon contact avec L., je n’ai jamais voulu rencontrer ces femmes, de peur de briser les magies de la nuit. La suite, différente et ostentatoire, me démontra que j’avais eu tord. Là, une nuit d’été, fenêtres ouvertes sur la terrasse aux bambous, vers deux heures du matin, je croisais le verbe avec ma “voyageuse”, et ma vie bascula dans un trop plein qui, je le sus assez vite, allait bouleverser ma vie pour dix ans.

vendredi 23 octobre 2009

Work In Progress (5)


La terrasse aux bambous, journal


Cinq ans ont passé ainsi; “dans le couchant les oliviers sont déchirants.” Cette phrase, en hommage à la Palestine, fut la dernière écrite sur mon manuscrit. Je crois que je l’ai jetté cet opuscule, finalement sans regrets. Je butais sur ces quelques mots, comme un rongeur pris dans une souricière, pourtant si proche du morceau de fromage. Inaccessible. Vain. Tourbillonnant. C’était toujours à l’heure du loup que je rentrais écrire cette phrase. Et puis, l’alcool aidant, j’ai laissé tomber, impossible d’aller plus loin. Ecrire était devenu un prétexte pour boire et, bien entendu, au fil des jours d’hiver, je n’écrivais plus rien. Je cite l’hiver car dans mes brumes éthyliques, il faisait froid. Je me souviens de ce détail, les squelettes des arbres du jardin du Luxembourg dessinant d’étranges personnages sortis d’un film de Tim Burton. Menaçants dans le soir qui tombe.
Je continuais à prendre des bus pour aller n’importe où, mais j’avais mes quartiers au Rostand, sur la place du même nom, et je rentrais de plus en plus tôt avec le 89.



mardi 20 octobre 2009

Work In Progress (4)


La terrasse aux bambous, journal


Un oiseau d'argile
Posé sur la cheminée:
Fragments de mémoire.

(Sylvaine ARABO)

Work In Progress (3)


La terrasse aux bambous, journal

Rewind. Les dix années perdues.
Parfois, dans un éclair fulgurant, je les vois passer, ces maudites années d’alcool et de débauche imaginaire. En vérité, je sais que Sagan avait raison avec son “vivre vite”, toucher à tous les excés. Die Young, Stay pretty, chantait Blondie dans les années quatre vingts. Mais moi j’ai pris les choses à l’envers, ce n’était pas pour un dérèglement des sens Rimbaldien et sous un certain angle une vision de la jouissance, mais par pure destruction. J’étais un enfant.

Par ailleurs, il faut dire que ça fait vingt ans que je ne dors plus sans la chimie. Une nuit, alors que je venais de débarquer à Dijon pour un travail, je me suis retrouvé insomniaque absolu. Médecin au petit matin, témesta 2.5, halcion. J’ai dormi toute la journée comme un bébé. Le soir, j’attaquais une bouteille de bordeaux. A mon plus grand étonnement je supportais bien les mélanges.
Puis les dix années suivantes passèrent à un rythme éffréné - mais je ne buvais plus, j’allais à des concerts de rock avec un journaliste de Rock’n folk, dans les afters, les back-rooms, tout roulait comme dans un tourbillon, je suivais le rythme. Je faisais régulièrement la fermeture des bars de Pigale au café, avant de me gaver de frites au vinaigre sur le boulevard.

Et puis un soir, par pure distraction et désœuvrement, je me suis remis à boire. Je buvais pour écrire. Les dix années perdues commencèrent ainsi. J’ai perdu le manuscrit, le titre était: “Le vertige de perdre”, ce qui épousait bien mes états d’âme du moment. Je ne travaillais plus, je prenais des autobus au hasard des lignes, pour aller n’importe où, dans des rades inconnus. Puis j’eus rapidement mes habitudes, j’étais connu dans les bars du Luxembourg. Je buvais un Sauvignon, puis je rentrais me finir au pure malt devant ma machine à écrire.
L’alcool était bel et bien revenu, et en abondance. Je m’enfonçais chaque nuit un peu plus dans le noir glauque de mon écriture incertaine et vaine. Et je ne voyais plus personne, hormis les barmen, bref j’étais heureux.

jeudi 15 octobre 2009

Tea Time


Déjà l'hiver revient
Déjà le soleil froid
Les oiseaux sont partis
Que reste-t-il à faire?

mardi 13 octobre 2009

Work In Progress (2)


La terrasse aux bambous, journal


Le jour se lève, la lumière est superbe sur la terrasse aux bambous. Je sui réveillé depuis cinq heures. Peu à peu, le soleil jaune envahit le salon. France Inter ronronne là-bas, dans la cuisine. J’écoute d’une oreille distraite. Et j’apprend la mort de Michael Jackson, trop jeune même pour une légende. J’imagine déjà la déferlante émotionnelle et crapuleuse qui va s’abattre sur ses cendres hollywoodiennes encore tièdes.
Je retourne au salon jetter un œil aux mails. Pas de pub ce matin, étonnant! Maintenant le soleil a envahi la pièce de sa lumière claire, c’est à frémir. Je me sens respirer, libre de mes gestes. Dans une heure, j’irai à la piscine.
Je me mets à faire des recherches sur David Bowie, car son site officiel commence à dater un peu, je cherche des images récentes du Thin White Duke. Et quelle n’est pas ma surprise de le découvrir décati, vétu de noir, pas razé, souriant mollement, comme surpris par un quelconque paparazzo.
Mais voilà, cet homme que je vénérais, dont je guettais la moindre apparition ou/et opus, qui m’était devenu familier, étrange, aux multiples visages, aux textes abscons, cet homme oui en est un d’homme: il a soixante deux ans, et je sais qu’il ne me surprendra plus, qu’il ne peut plus surprendre; qu’il a vieilli, comme j’ai vieilli aussi, bon an mal an, au fil des dix années perdues à cause de l’alcool - je reviendrai sur ces années, plus tard - cet homme ne ressemble plus à rien.
Je me demande si je ressemble à quelque chose, moi! Je vis reclu dans le XVème arrondissement de paris, dans un petit appartement bourgeois et décoré de masques africains qui me font penser à mes déambulations de toubab sur le continent noir, quand je buvais des bières tièdes et fumais des cigarettes de contrebande dans les maquis de Libreville, le soir venu, là où les moustiques se grillent les ailes aux ampoules dénudées des bouis-bouis.
Parfois, je pense à Proust et à son lit, où il passais le plus clair de son temps pour écrire. Je me vois enfermé dans ce qu’il appelle “la sécurité des habitudes”, et je sens qu’il a raison, je vis un peu comme cela, au gré des habitudes, qui m’apportent le réconfort...
Mais il est temps que cela change!

lundi 12 octobre 2009

Abeilles


Abeille! Abeille!
quand on les appelle
elles ne viennent pas

dimanche 11 octobre 2009

Work In Progress (1)


La terrasse aux bambous, journal

J’ai longtemps imaginé que voyager était un remède à mon hiératique mal de vivre.
Alors j’ai voyagé.
Puis je suis revenu, et j’ai arrèté de boire de l’alcool, j’ai aussi cessé de fumer. Je me sens bien. Léger comme un chat.
Et me voici de retour à la terrasse aux bambous, à Paris.
Pour me distraire et suppléer à mes envies de voyages, je me plonge des heures durant dans des magazines de décoration, afin de me fondre corps et âme dans des intérieurs inconnus, c’est comme une évasion,
un oubli de soi, une panacée de rêves ensoleillés, il ne manque plus que des rires d’enfants.
Mais, comme sur ces pages de papier glacé, il n’y a jamais personne, j’en conclus qu’en feuilletant ces publications, je suis un peu chez moi. Et me voici embarqué loin de mon salon orange, et ses masques Dogons.

L'endormi


Tout a commencé par cette photographie de Roberto Pellegrinuzzi, que je ne connaissais pas. Trouvée sur le Net, elle ne portait pas de titre, je décidais de l’appeller “L’endormi”; où il est question de disparition (thème de l’exposition), de sommeil et d’évasion, de rêves et de cauchemards. Mais qu’importe, le bien et le mal ne s’épousent-ils pas, au long des années perdues?
L’œuvre est démesurée, et le visage éteint. Qu’est-ce qui se cache derrière ces yeux clos? Là, on revient à la disparition, comme si on pouvait rayer de son esprits les mauvais côtés de son histoire, les remords et les regrets, évacuer les instants évanouis dans l’abîme des neurones, imbroglio pervers des mémoires inachevées.

Le voyageur émerveillé


Bernard Plossu est né au Sud-Vietnam en 1945, son existence est rarement sédentaire. Son père qui accompagnait en 1937 Frison-Roche au coeur du Sahara, l'initia à la photographie.

L'Ouest américain de la Beat Génération, la jungle des Chiapas et le Mexique, plusieurs déserts d'Afrique, l'Inde, Paris-Londres-Paris, Bruxelles, l'Andalousie, l'Egypte, la Réserve géologique de Haute-Provence, la Villa Noailles à Hyères, Marseille et les sentiers de Porquerolles sont les sujets de quelques-uns de ses livres.

Bernard Plossu aime raconter que pour devenir un bon photographe, il faut d'abord « être bien chaussé ». Les longues randonnées et les pas de côté relèvent des registres qu'il préfère.

samedi 10 octobre 2009

Se perdre


Se perdre, et non pas s’égarer à la manière d’un quelconque touriste dans un maquis de Libreville, une bière chaude à la main.
Non, se perdre tout simplement dans la confusion des sentiments, sommeil, rêves, illusions, coïncidences, soul food.

mardi 6 octobre 2009

Mardi


Ce matin, mon ami Kaloo est venu m’aider (en fait c’est lui qui a tout fait) à remettre en état la terrasse aux bambous. Il me reste à passer le karsher emprunté à la bignole, et rempoter tout ce petit monde.
Histoire d’avoir une terrasse correcte à présenter à Y.
A part ça rien, David Bowie est mort et il le sait.

lundi 5 octobre 2009

Lundi


C’est cette photographie d’un David Bowie décati qui a tout déclenché. J’avais déjà eu une alerte, montée de tension, au soixantième anniversaire du chanteur, mon héros de jeunesse... Je n’en revenais pas, le choc, Bowie, l’immortel Thin White Duke, avait soixante ans... C’était impossible, il aurait mieux fait de se suicider! Non j’exagère, mais j’entretiens avec mon héros une relation sensitive, et, à travers cette relation, moi non plus, je ne me suis pas vu vieillir. Pourtant, la réalité est bien présente à mon esprit, téléguidée par des signes piqués à droite et à gauche. L’accident vasculaire de Bowie à soixante deux ans en a été un. Le poids de petite maman tordue (45 kgs 700) un autre, et ça va faire six longues années qu’elle se tient assise près de la fenêtre dans sa nouvelle maison, la relation douce-amère avec mon père dont la santé décline peu à peu, encore un autre.
De Gaulle disait: la vieillesse est un désastre. Pourquoi pas, mais moi, je n’ai pas envie de vieillir, je ferai comme Montherlant, une balle dans la cafetière, ni vu ni connu. Pas d’embrouille, just a bullet in my brain.
And it makes all the papers, ajoutait un certain David B. dans les années quatre vingts.

samedi 3 octobre 2009

Cathy


Cathy M. est infirmière, passionnée d’Afrique. Elle se rend au Sénégal tous les ans à la saison des pluies, une toubab sous l’averse, les bougainvilliers ruisselants d’eau tiède. Elle adore ça, marcher sous la pluie.
Sauf que Cathy n’est pas une toubab, c’est une africaine à la peau blanche, et qui, à chacun de ses voyages, emmène une tonne de médicaments pour l’hopital de Ziguinchor et les dispensaires de Casamance.
Je n’ai plus de nouvelles de Cathy depuis deux ans, mais je garde l’image d’une femme sportive et décidée que rien ne semble pouvoir arrêter.
Que Jesus la protège!

Samedi


Réveillé à 4 heures 50, je ne m’attarde pas au lit. Pamplemousse pressé. Il fait nuit. France Inter ronronne dans un coin de la cuisine - j’adore la voix de Laurence Garcia. Je vais jetter un coup d’œil aux emails, espérant en trouver un de Y. Mais non. Elle s’est un peu éloignée ces jours derniers. Je suis si heureux de l’avoir retrouvée. Merci FaceBook. Je me prépare un thé.
Plus tard dans la matinée, je descends chez Françoise, je bois une noisette puis je vais au marché avec Adeline (qui vit avec 500 euros par mois, parfois la misère se cache au bas de la rue - Adeline n’a plus de dents du haut, et pas les moyens pour un dentier. C’est une brave femme, affligeante de naïveté, elle me rend triste et jure comme un charretier!).
Retour au bistrot 79. J’ai acheté des olives pour l’apéro. Je viens prendre des nouvelles de Didier, qui est alcoolique (deux bouteilles de rosé par jour), et que je veux aider à s’en sortir. Je lui ai donné le numero de telephone de l’Hopital Pompidou pour qu’il fasse une cure. Mais il n’a pas appellé, et cela ne me plait pas. Je le lui dit. Lundi, répond-il. Ouais. A lundi donc, demain je vais voir mes parents à Brunoy, ma petite maman tordue dans sa belle maison de retraite. Je lui glisserai un “je t’aime” dans l’oreille, comme je le fais à chaque fois. On ne dit pas assez “je t’aime” de nos jours.

vendredi 2 octobre 2009

Toscane (Part II)


Mon ami est enfin arrivé dans sa petite Fiat rouge. Nous ne nous étions pas vus depuis deux ans, et nous nous sommes retrouvés comme quitté la veille. J’ai noté qu’il avait toujours ses grosses mains de paysan, une incongruité pour un galeriste, mais cela plait aux femmes m’avoua-t-il un jour.
Nous quittions Arrezo pour nous rendre à sa magnifique maison Toscane, achetée avec un Man Ray!, lorsque je remarquais qu’aux alentours de la ville, nul panneau publicitaire ni centres commerciaux ne venaient ternir le magnifique paysage, contrairement à la France. Il était midi et nous roulions en riant comme des gamins, tout simplement heureux d’être en Italie!
Luigi est mon meilleur ami - enfin, était, car pour d’obscures raisons qui m’échappent encore, nous nous sommes perdus de vue. Son vrai prénom est Loïc, et nous nous connaissons depuis le lycée. C’est un être délicat, immensément intelligent, collectionneur d’œuvres d’art et de femmes, bien que sa plus grande passion soit warholienne: l’argent. Make money is art. Sur ce point nous divergeons, et c’est peut-être qu’à force de fréquenter Bernard Tapie, qu’il admire, je me suis mis à prendre mes distances. Ceci ajouté au nombre de fois où il m’a ramassé dans tous les caniveaux de Paris, ivre et en pleurs, implorant Jésus (Luigi me rétorquant: Oh non pas lui!), qu’il en a eu marre de moi. Cette période, éloignée de mon périple toscan, n’est pas digne de figurer dans les souvenirs de notre amitié qui, à l’époque était très solide. Et nos connivences comme des ivresses de fous-rires.
J’aimais l’art contemporain à l’époque, je ne connaissais que ça, et je travaillais comme chef monteur des videos de Marie-jo Lafontaine. Et en ce jour ensoleillé et odorant, grâce à mon ami, j’allais découvrir la Rennaissance, et sa magnificense.

mardi 29 septembre 2009

Ecriture (3)


J’imagine, à l’appréhension du texte, un lent très lent mouvement d’approche. Déjà, je ne lis que chez moi, bien installé dans mon canapé avachi recouvert d’un bogolan Dogon. Cela est immuable, cette posture, cette lumière, celle du jour exclusivement. La nuit, je dors, équipé de cette “machine à respirer” qui contre mon apnée du sommeil avec un tel réconfort. Non mais il ne s’agit pas de ce mouvement physique, mais bien de mon intention de prendre du temps avant de lire. Je suppose que pour écrire, ce doit être pareil. A moins, et je le suppose parfois, au détour d’une fulgurance de mots qui débordent, qu’il ne s’agisse de l’inverse: la précipitation. Mais lire, c’est un temps félin, une entrée en lecture par circonvulations, comme la patte du chat que sa langue rapeuse vient lècher. Lire, c’est prendre son temps, certes, mais savourer, mettre en bouche, penser, s’éloigner sur les mots, revenir. Un jour, si je contrôle mon écriture, j’aimerais provoquer cela, le temps élastique.

Liberté d'expression, appel à solidarité


Pour aider un blog à survivre, Plume de presse (auteur Olivier Bonnet), menacé par la "justice", je vous invîte à lire ceci, ici. Bonne lecture, et solidarité.

dimanche 27 septembre 2009

Poésie


Expulsions: faites du chiffre!
Flics: faites du chiffre!
Fonctionnaires: faites du chiffre!
Hopitaux: faites du chiffre!
Bercy: faites du chiffre!
France Telecom: faites du chiffre!
Peugeot-citroën: faites du chiffre!
Traders: faites du chiffre!
DRH: faites du chiffre!

... ou suicidez-vous...

Le pavillon K (Revival)


Je me souviens, l’alcool m’a ôté 10 ans de vie... Ceci est mon histoire, en construction perpétuelle, comme toutes les histoires qu'on raconte aux enfants.


Le jour se lève sur la ville dans la ville.
Le jour se lève sur le Pavillon K.
A travers la fenêtre bouclée, le jour se lève sur le petit jardin en automne. Putain de pluie.
J’ai mal dormi, réveillé plusieurs fois, la mépronizine n’a pas d’effets sur moi. J’ai mal aux os. Je tremble. Mais après tout je suis là pour sevrage alcoolique. Allumer une cigarette est mon premier geste de la journée.
Pas le courage de prendre une douche - je verrai plus tard. Je vois toujours tout “plus tard”.
Descendre au rdc pour les médocs et le petit déjeuner. Encore une cigarette. On fume beaucoup à Sainte-Anne.
Le dej est expédié en 5 minutes. Retour aux clopes.
La journée va être longue.
Le valium agit plus vite que je ne le redoutais. Je tremble moins.
Maintenant, attendre.
Quoique je n’attende rien de précis, seulement que le temps passe, que les jours passent, pour aller mieux.

Maintenant je dois saluer la gentillesse, la disponibilité et la compétence des médecins et des infirmières. Je me souviens de l’une d’elles, en stage, qui met deux heures de transports pour venir à l’hopital... pour un salaire bien maigre et toujours le sourire!

Je suis resté dix jours. Maintenant ça va mieux, doucement, mais mieux, chaque jour un peu mieux. Ce ne fut pas l’enfer comme je le craignais, mais un véritable sauvetage.

L’alcool peut être une tragédie pour certaines personnes (comme moi) quand il y a un terrain favorable. Mais on peut s’en sortir, de cet enfer, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à consulter. Seul, on n’y arrive pas.

Cette note est dédiée aux autres patients, que j’ai cotoyé, pas bavards, amochés par la vie, les souffrances de la vie. Mais qui, à force de solidarité, se mettent à parler et posent un sourire sur leurs visages.

Pour François B.

Victoria


... C'était mieux avec moi, Marie... Je le sens.... Je sens ce genre de choses, over the years....

Transe (figuration)


A la Kafka. A l’arrache. Miroir dis-moi tu me difformes??

5 heure du matin. Je marche comme un chat, sans un bruit, sur le parquet du vieil appartement parisien. Les bambous sont morts dans la nuit.

La bouilloire pour le thé hurle dans la cuisine.

Je me demande: qu’ai-je fait depuis 4 ans..?

Je me demande: qui suis-je devenu depuis 4 ans..?

Je ne sais pas, je ne sais plus...
Trop de substances licites ou prescrites, je me dis cela, pour me rassurer la nuit...




Cette nuit sans fin, j'en suis enfin revenu. J'ai un projet. Pas seulement pour plaire à ma psychiatre. Non, c'est pour moi: écrire. J'ignore encore sous quelle forme cela va apparaître, de quoi je vais accoucher (comme dirait Y.), mais c'est là, c'est palpable, réel, je sens les choses s'organiser autour de moi - je suis, à nouveau, léger comme un chat. Ad Lib.

samedi 26 septembre 2009

Ecriture (2)


3


Je suis seul ici, et l’on me plaint, on s’inquiète pour moi, on trouve que je me maltraite, ces amis qui se comptent sur les doigts d’une main selon Eugénie m’appellent régulièrement avec compassion, moi qui vient de découvrir que je n’aime pas les hommes, non, décidément je ne les aime pas, je les haïrais plutôt, et ceci expliquerait tout, cette haine tenace depuis toujours, j’entreprends un nouveau livre pour avoir un compagnon, un interlocuteur, quelqu’un avec qui manger et dormir, auprès duquel rêver et cauchemarder, le seul ami présentement tenable. Mon livre, mon compagnon, à l’origine, dans sa préméditation si rigoureux, a déjà commencé à me mener par le bout du nez, bien qu’apparemment je sois le maître absolu dans cette navigation à vue. Un diable s’est glissé dans mes soutes: T.B. Je me suis arrêté de le lire pour stopper l’emprisonnement. On dit que chaque réinjection du virus du sida par fluides, le sang, le sperme ou les larmes, réattaque le malade déjà contaminé, on prétend peut-être ça pour limiter les dégats.


Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie

vendredi 25 septembre 2009

Step by step


... dans l'ordre des choses, je suis le désordre...