mardi 23 février 2010

Work In Progress (38)


La terrasse aux bambous, journal


Ecrire ces quelques heures de fièvre, chairs à vif, longues comme des couteaux. Rien ne devrait jamais finir. Tout devrait se survivre. Comme ces pelouses d’avril à mars, encore et toujours ressuscitées, malgré la neige. Je pense à quelques fleurs d’hiver.
Conscencieusement, vers minuit, ivresse passée d’un mauvais vin de Bordeaux, je me dirigeai vers l’imprimante à pas feutrés, pieds nus sur le parquet comme aux premiuers jours. Je n’avais plus rien à boire, plus de médicaments pour m’aider à dormir. J’étais pourtant étrangement serein, la petite brindille qui retenait encore l’essain venait de se briser d’un clac sec, libérant des milliers d’abeilles vers la fuite au lieu de s’en prendre à moi. Des images de Toscane s’évanouissaient à mesure de mes délires enfuis. Il y a des étés qu’on retient.
J’allumais ma dernière blonde, c’est tout ce qu’il me restait. L’imprimante crachottait le mail, j’en chiffonais le premier tirage, gardais le second. J’étais à cet instant dégoûté par l’odeur de l’encre.
J’imaginais les doigts de L. courant sur le clavier, hésitant, corrigeant et puis le texte enfin terminé, appuyer sur “envoi”. Quelques secondes plus tard, il était dans ma boîte aux lettres.
Curieusement, c’est comme si je m’étais déjà préparé à recevoir ces lignes lapidaires et expéditives, et pourtant douces, écrites par ma terrible amoureuse, qui savait si bien me surprendre à chaque fois qu’elle le décidait, dans tous les égarements. Mais cette fois-ci, non. Je n’étais pas surpris outre mesure, son dernier baiser datait de plus d’un an. Un baiser comme on s’en souvient, volé et voluptueux... Un baiser d’été.
Finalement, j’étais un goujat, j’avait préféré l’alcool à Love Of My Life.
Je m’allongeai sur le futon, le mail sur mon cœur, la pire des insomnies me fit trembler et suer jusqu’au matin.


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