samedi 26 septembre 2009

Ecriture (2)


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Je suis seul ici, et l’on me plaint, on s’inquiète pour moi, on trouve que je me maltraite, ces amis qui se comptent sur les doigts d’une main selon Eugénie m’appellent régulièrement avec compassion, moi qui vient de découvrir que je n’aime pas les hommes, non, décidément je ne les aime pas, je les haïrais plutôt, et ceci expliquerait tout, cette haine tenace depuis toujours, j’entreprends un nouveau livre pour avoir un compagnon, un interlocuteur, quelqu’un avec qui manger et dormir, auprès duquel rêver et cauchemarder, le seul ami présentement tenable. Mon livre, mon compagnon, à l’origine, dans sa préméditation si rigoureux, a déjà commencé à me mener par le bout du nez, bien qu’apparemment je sois le maître absolu dans cette navigation à vue. Un diable s’est glissé dans mes soutes: T.B. Je me suis arrêté de le lire pour stopper l’emprisonnement. On dit que chaque réinjection du virus du sida par fluides, le sang, le sperme ou les larmes, réattaque le malade déjà contaminé, on prétend peut-être ça pour limiter les dégats.


Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie

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